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La transpostion didactique

Introduction

La transposition didactique est un concept que l’on peut résumer caractériser grâce au sous-titre du livre de Chevallard (1985/1991): Du savoir savant au savoir enseigné. Cependant,  on «ne «ne doit pas confondre la transposition didactique avec la vulgarisation scientifique qui essaie de rendre la science plus accessible. » (Paun, 2006, p. 4)

Ce concept a été introduit en 1975 par le français Michel Verret. Ce dernier, en sociologue, cherchait à désigner un phénomène qui dépasse l’école et les disciplines. Il s’intéressait  à tous les savoirs transmissibles (Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre, & Lahanier-Reuter, 2013)

Depuis, de nombreux auteurs s’en sont emparés. Les sources sont, à vrai dire, nombreuses. A cet égard, nous tenterons donc de rester vigilants tout au long de cet écrit afin de garantir au lecteur clarté et compréhension.   

Dans un premier temps nous définirons le concept de transposition didactique. Dans une deuxième partie  nous mettrons en lumière quelques questions actuelles actuelles autour de ce concept. Pour finir nous essayerons de lier ce concept à nos pratiques professionnelles qui se situent dans le champ de l’enseignement spécialisé. 

 



I. Définition et modélisations du concept

a. Définition

  • La définition chez Chevallard

Yves Chevallard est considéré comme l’une des figures emblématiques de la didactique des mathématiques française. Il est notamment connu pour ses apports dans les années 1980 à la théorie de la transposition didactique. Il définit la transposition didactique ainsi :

Un contenu de savoir ayant été désigné comme savoir à enseigner subit […] un ensemble de transformations transformations adaptatives qui vont le rendre apte à prendre place parmi les objets d’enseignementd’enseignement. Le  travail“ travail” qui d’un objet de savoir à enseigner fait un objet d’enseignement est appelé la transposition didactique.  (1985/1991, p. 39)

Chevallard, qui constateconstate l’arrivée de façon régulière de nouveaux savoirs dans le système d’enseignement,  se pose alors ces questions : D’où D’où viennent ces nouveaux objets enseignés ? Comment sont-ils arrivés là ? Il soutient que le point de départ de la transposition didactique réside dans  les savoirs savants. Or, dans le domaine des mathématiques -domaine d’expertise du didacticien- les  objets de savoir peuvent être des  notions mathématiques, des des notions paramathématiques ou encore des notions protomathématiques. Chevallard lève toute ambiguïté en affirmant que seules les notions mathématiques constituent des objets d’enseignement. (1985/1991)

Pour ce qui est maintenant du processus global de transposition didactique, Chevallard distingue deux étapes étapes : la transposition didactique externe et la transposition didactique interne. Il  précise que « le centre opérationnel du processus de transposition […] est la noosphère » noosphère » (1985/1991, p. 39). Ce terme caractérise l’ensemble des acteurs intervenant à l’intersection du système d’enseignement d’enseignement et de la société (les parents, les savants et l’instance politique décisionnelle) (Reuter et al., 2013). Elle joue, à vrai dire, un rôle important dans la phase de transposition didactique externe uniquement, c’est à dire dans le processus qui permet de transformer un savoir savant en objet à enseigner. Guy Brousseau (didacticien des mathématiques) rejoint ainsi Chevallard lorsqu’il explique : « la transposition didactique se déroule en grande partie dans la communauté scientifique et se poursuit dans les milieux cultivés » (1998, p. 48) Bien entendu, Brousseau évoque ici la noosphère.

La transposition didactique interne, quant à elle,  permet de passer d’un objet à enseigner à un objet d’enseignement. Si l’on considère le triangle didactique (savoir-enseignant-élève), la transposition didactique interne constitue la dimension épistémologique, c’est à dire qu’elle prend place entre le savoir et l’enseignant. En somme, les savoirs sont « décontextualisés de leur sphère de production pour être recontextualisés dans la sphère scolaire. » (Reuter et al, 2013, p. 222)

Enfin, Chevallard écrit à propos de la transposition didactique qu’elle n’est « ni bonne ni mauvaise », qu’elle est, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’enseignement sans transposition, qu’ « elle n’est pas un effet pervers, une dénaturation, mais une transformation normale, à laquelle nul n’échappe lorsqu’il veut transmettre un savoir. » (Chevallard, cité par Perrenoud, 1998, p. 491)

  • Une définition remaniée

La définition de Chevallard se voit plus tard subir quelques modifications liées notamment à l’introduction de notions complémentaires.

En effet, la notion de « pratiques sociales », introduite en 1996 par Jean-Louis Martinand,  donne une nouvelle coloration à la définition de Chevallard.  Voici quelques exemples de pratiques sociales : la technologie et l’informatique, les disciplines linguistiques ou artistiques, les travaux manuels, l’éducation physique et les formations professionnelles. En réalité, Chevallard n’ignore nullement la réalité de ces savoirs qu’il qu’il qualifie d’ailleurs de « savoirs moyens » moyens » (1985/1991). Il les différencie néanmoins des savoirs savants en les considérant comme des savoirssavoirs socialement insaisissables et donc culturellement fragilesculturellement fragiles.

Par ailleurs, Albert Joshua en 1996,  lui, propose d’étendre la théorie de la transposition didactique aux savoirs experts experts (Perrenoud, 1998, p. 487). Il s’agit là des savoirs élaborés dans des institutions qui ont une reconnaissance sociale moindre. Il cite l’exemple de la musique au collège.

Ainsi, Perrenoud assume ces deux sources (savoirs et pratiques) dans sa définition de la transposition didactique. Selon lui, les pratiques ne peuvent pas être exclues dans la mesure où la « transposition des savoirs savants n’est qu’un cas particulier, certes pertinent et intéressant, mais qui n’épuise pas le réel. » (p. 489)

            Enfin, le processus de transposition didactique se voit de nouveau modifié lorsqu’est intégrée une étape finale relative aux processus d’apprentissage, de construction des savoirs dans l’esprit des élèves. C’est dans ce sens qu’André Petitjean interroge le rôle de l’enseignant : « Dans sa classe, […] il est loin d’être un agent impuissant, contraint par des transpositions didactiques externes, mais le maître d’œuvre, toujours unique, de transpositions didactiques dépendant de l’événement discursif que constitue une séance d’enseignement. » (Petitjean, cité par Reuter et al., p. 224). Perrenoud, par exemple, intègre bel et bien cette étape dans sa modélisation, même s’il admet que cela fait l’objet d’un débat entre les experts. Paun, enfin, fait de même puisqu’il définit la transposition didactique comme un « processus complexe influencé par de nombreux facteurs qui a comme point de départ l’ensemble du savoir scientifique et comme point final l’ensemble des connaissances acquises par les élèves ». (2006, p. 3)

 

 

b. Modélisations

Nous faisons le choix de présenter trois modélisations afin de  pouvoir comparer plus aisément les diverses conceptions de la chaîne de transposition didactique chez trois auteurs différents. Nous tenons à préciser que la figure 1 et la figure 2  sont le fruit d'une création de notre part suite à nos lectures : par cette entreprise, nous avons cherché à traduire par la forme -et le plus fidèlement possible- la pensée des deux auteurs (Perrenoud, 1998 ; Chevallard, 1985). La figure 3, quant à elle, est proposée par Perrenoud lui-même (p. 488).

   

Fig 1 : La transposition didactique selon Verret

Fig 2 : La transposition didactique selon Chevallard

Fig 3 : La transposition didactique selon Perrenoud

 

Cette juxtaposition nous permet de comparer aisément deux étapes essentielles à nos yeux de la chaîne de transposition didactique. En 1985, le point de départ pour Chevallard est constitué des savoirs savants alors que Perrenoud treize ans plus tard y ajoute les pratiques (ce que nous avons explicité plus haut). La désynchrétisation de Verret englobe quant à elle savoirs savants et savoirs humains (Perrenoud, 1998). A l’autre extrémité de la chaîne, Verret et Perrenoud achèvent le processus de transposition didactique en s’intéressant aux acquisitions des élèves. Chevallard en 1985 s’arrêtait à l’objet d’enseignement dans le système didactique. Cela s’explique peut-être par le fait que Chevallard semble s’intéresser principalement, dans ses études, à la transposition didactique externe,  alors que les travaux de Perrenoud portent eux davantage sur la transposition didactique interne.

 

II. Quelques interrogations autour du concept  

Dans la partie précédente, nous avons déjà commencé à mettre en lumière quelques questions autour du concept de transposition didactique qui font débat. Les modélisations en sont  révélatrices. Nous notons par ailleurs que ces discussions portent essentiellement sur les deux extrémités du processus de transposition didactique.

Ici, nous poursuivons notre réflexion quant aux débats que suscite le concept. A vrai dire, ils sont riches et nombreux. Nous faisons par conséquent le choix de ne présenter que trois exemples.

a. Il n’y a pas de savoirs sans pratiques selon Perrenoud

Par cet exemple, nous revenons un peu plus longuement sur l’introduction des pratiques au processus de transposition didactique. Ceci fait débat. Mais Perrenoud (1998) est formel à ce sujet : il n’y a pas de pratiques sans savoirs. D’une part, les savoirs de sens commun, les savoirs d’action, les savoirs implicites et les savoirs professionnels sont liés à  des pratiques sociales. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on parle selon lui de « savoirs pratiques » (p. 492). D’autre part, Perrenoud pense que même les savoirs savants sont liés à des pratiques. En effet, le « mythe de la science » (p. 493) prétend selon lui pouvoir séparer le produit du producteur et le juger en tant que tel. Cela montrerait la volonté de se représenter les savoirs comme indépendants des êtres humains qui les produisent ou tentent de se les approprier. Or, selon lui, même les « purs théoriciens » (p. 492) sont des praticiens.

D’ailleurs, pour lui, ce phénomène est à l’origine d’une distinction entre savoir et connaissance. Les savoirs seraient impersonnels, universels et sans référence à leurs usages sociaux. Tandis que la connaissance serait « la face subjective des savoirs, contextualités, personnalisés. » (p. 493). Il ajoute enfin : « Le savoir est une représentation du monde qui n’a d’existence que dans et pour un esprit humain. » (p. 494).

b. La transposition didactique axiomatique des mathématiques selon Brousseau

Selon Brousseau (1998), classiquement les mathématiques sont présentées de manière axiomatique, c’est-à-dire de manière à désigner une vérité indémontrable qui doit être admise. Cette présentation, selon lui, conduit à étudier de nouveaux objets en fonction des notions qui ont été introduites précédemment, et ainsi de suite.

Or, cette présentation « masque le vrai fonctionnement de la science impossible à communiquer et à décrire de l’extérieur, pour mettre à sa place une genèse fictive » (p. 47). Il souligne le fait que dans cette présentation l’histoire des savoirs est complètement effacée. Cette histoire, selon lui,  tient en réalité à des successions de difficultés ; à des questions ; à l’apparition de nouveaux concepts fondamentaux, de nouveaux problèmes, de techniques ;  à des progrès  et à de nombreuses querelles. Ainsi, il va même jusqu’à penser que la transposition didactique « doit être mise sous surveillance. » (p. 47)

c. L’enseignement de l’espace en géométrie.

            Ce troisième exemple porte plus particulièrement sur la transposition didactique interne. C’est sans ménagement que Brousseau affirme : « Le fossé s’est creusé entre les professeurs et le savoir. » (p. 317). Il soulève là la question de l’enseignement du repérage dans l’espace. Pour Brousseau, les les enseignants associent fréquemment (et confondent) la maîtrise par l’élève de ses rapports avec l’espacel’espace avec l’enseignement de la géométrie, alors qu’il s’agit pourtant de deux domaines bien distincts. Il rappelle à cet égard : « Il n’est pas vrai que la géométrie enseigne les relations avec l’espacel’espace. » (p. 313)

            Nous avons donc tenté de comprendre les causes de cette confusion chez les enseignants. Pour ce faire, nous nous sommes intéressés aux instructions officielles de 2008. Et nous avons constaté qu’y résidait peut-être (et du moins, au moins en partie) une possible explication. Les objectifs pour la géométrie pour la classe de CP sont explicites : « Les élèves enrichissent leurs connaissances en matière d’orientation et de repérage. » (MEN-DEGESCO, 2008, p. 18) ou encore : « Situer un objet et utiliser le vocabulaire permettant de définir des positions (devant, derrière, à gauche de, à droite de…). » (p. 33). En effet, nous nous apercevons là que le curriculum, qui reste le principal outil de construction des programmations didactiques chez les enseignants, associe clairement relations dans l’espace et géométrie.

 

III. L’exemple d’une pratique professionnelle

Nous exerçons tous deux dans l’enseignement spécialisé : au sein d’un Itep[1] (avec des élèves présentant des difficultés psychiques qui se manifestent par d’importants troubles du comportement) et au sein d’une Ulis[2] collège (avec des élèves ayant des troubles des fonctions cognitives, des troubles du langage, ou encore des troubles envahissants du développement).

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Considérons, pour finir, le mot de Brousseau : « Est-ce que la didactique a le droit d’introduire dans le champ des mathématiques des concepts qui lui seraient nécessaires » nécessaires » (1998, p. 313). Il interroge ici (par le biais de son illustration sur la numération) la possibilité, pour la didactique, de venir servir les besoins particuliers ressentis par les enseignants ; de quoi ouvrir de nouveau de bien belles perspectives de réflexion.   

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