Je pousse la lourde porte du collège ; la porte principale pour les professeurs et les visiteurs. Les élèves passent par le portail métallique qui donne sur la cour. Je traverse le hall et me présente à la loge. Je salue Robert, un agent de service, d'une poignée de main : « Ça va ? » Bref échange sur la météo ou une blague selon l'humeur. J'emprunte ensuite le couloir qui mène aux salles du rez-de-chaussée. Je salue la Principale du collège, matinale vigie qui scrute de loin, à travers les baies vitrées du couloir, l'arrivée des élèves dans la cour. « Bonjour Madame, comment ça va ? »
Dès le début de la journée, mon pas ample et ma bonne humeur veulent emporter l'adhésion de tous et de moi-même : la journée sera bonne !
J'entre dans la salle des professeurs et je dépose mes trois ou quatre sacs qui me serraient dans un entrecroisement de bandoulières. Je pose le sac contenant ma gamelle contre un mur. Mon sac de cours près de la porte avec mon sac de sport ou de matériel divers (pour les arts plastiques ou les sciences par exemple). Je salue les professeurs déjà présents. Je module l'intensité de mon bonjour : pas trop fort pour ne pas déranger l'ambiance encore cotonneuse de ce début de journée où chacun tente pourtant de secouer son engourdissement par du café ou des discussions feutrées. La sonnerie ne tarde pas à retentir et signale aux élèves qu'ils doivent se regrouper et se ranger devant leur numéro de salle peint au sol, dans la cour. Cela nous laisse une minute pour avaler le reste du café et sortir rejoindre les classes. Lentement mais inexorablement, le désordre des élèves éparpillés dans la cour exiguë prend la forme de colonnes imparfaites que les efforts conjugués des surveillants et des professeurs qui arrivent vont régler avant l'entrée dans les bâtiments.
Je suis maintenant dans la cour, devant mon groupe d'élèves. Je serre la main à chacun des élèves, un par un. « Bonjour, Comment ça va ? ». Chacun me répond, en me regardant : « Ça va ! " ou bien " Ça va ! Et vous ? » - « Bien, merci. » Ma poignée de main est franche, mon sourire, mon regard bienveillant et volontaire attendent une réponse. Un vrai bonjour et une vraie question. Un élève a le regard fuyant, je lui tiens la main, il me jette un coup d'œil : «Bonjour. » Ça ira pour aujourd'hui.
Je regarde tous et chacun et d'un œil englobant et en mouvement, j'indique au groupe de se diriger vers l'entrée. Sur les vingt mètres qui nous en sépare, je croise un ou deux collègues que je prends le temps de saluer : sourire et poignée de main. « Bonjour ! Comment ça va ? »