Cet espace sera supprimé le 31 janvier 2024 - Pour toutes questions, vous pouvez nous contacter sur la liste wikidocs-contact@univ-lorraine.fr

Colloque international « Chercheurs et praticiens dans la recherche »
Lyon, septembre 2004
Thématique : L'exploration de la pratique et la production des savoirs

Praticiens réflexifs et chercheurs, du savoir dans la pratique au savoir savant.


Résumé :

L'objectif de cette communication est de comparer la production du savoir dans les deux situations que sont la pratique professionnelle d'un côté et la pratique du chercheur de l'autre.
Au cours de cette communication, je montrerai que le savoir construit par/dans la pratique et le savoir savant diffèrent essentiellement par la façon dont ils sont légitimés. Dans le premier cas, bien que nous ayons à faire à une formalisation, celle-ci est contextuelle et évolue entre un aspect de pure rationalité technique d'une part et une dimension praxéologique d'autre part. Ce qui induit que sa légitimité est considérée comme essentiellement locale. Dans le second cas, la formalisation possède une fonction de production de concepts. Ceux-ci sont mis à l'épreuve par des méthodes normalisées, puis validés par un groupe d'individus qui se reconnaissent mutuellement la capacité et le pouvoir d'évaluer.
Il s'agit ici de tenter une définition du statut épistémologique des savoirs produits dans ces deux situations et des conséquences en termes de formation/recherche.


Praticiens réflexifs et chercheurs, du savoir dans la pratique au savoir savant.
L'objectif de cette communication est de comparer la production du savoir dans les deux situations que sont la pratique professionnelle d'un côté et la pratique du chercheur de l'autre. Il s'agit ici de tenter une définition du statut épistémologique des savoirs produits dans ces deux situations. Le champ de la formation technique et professionnelle, - et les concepts qui y sont utilisés - est la référence de notre analyse. Mais alors qu'en formation technique et professionnelle le clivage entre savoirs pratiques et savoirs académiques est perceptible, dans le domaine de la formation des enseignants ce clivage se dilue en trois pôles aux positions fluctuantes.
Le premier pôle serait celui de l'activité concrète du professionnel (qui se différencie du novice et évolue entre une efficience minimale et un statut d'expert), le second pôle serait celui des référents théoriques qui légitiment ou guident l'action (fréquemment il s'agit d'une action prescrite -i.e. ce qu'il faudrait faire pour....). Ces deux pôles ne se distinguent pas réellement des analyses que l'on peut mener en entreprise ou dans le commerce. En revanche c'est le troisième pôle qui spécifie la formation d'enseignants. Il s'agit du pôle de la réflexivité. Alors que, traditionnellement, la formation professionnelle juxtapose le champ théorique au champ pratique (depuis les ouvriers et employés jusqu'aux ingénieurs), la philosophie de la formation des enseignants focalise sur la prise de distance avec la pratique et sur la conceptualisation de celle-ci. Une panoplie de méthodes et d'outils est utilisée : mémoire professionnel, pratique accompagnée, modules d'analyse de pratique etc...
Pour être honnête, cette panoplie n'est pas exclusive de la formation des enseignants, puisqu'on la retrouve dans les formations des métiers sociaux. Ce qui est intéressant c'est que l'objectif est systématiquement une construction de savoir personnel, et que la validation puis diffusion de celui-ci n'est jamais envisagée de façon centrale, mais comme un effet souhaité/ souhaitable du processus, laissé à l'appréciation des formés. Il s'ensuit que la question cruciale du statut du savoir produit lors des activités pratiques n'est pas envisagée, et que ses conséquences épistémologiques ne sont pas prises en compte.
Au cours de cette communication, je montrerai que le savoir construit par/dans la pratique et le savoir savant diffèrent essentiellement par la façon dont ils sont légitimés. Dans le premier cas, bien que nous ayons affaire à une formalisation, celle-ci est contextuelle et évolue entre un aspect de pure rationalité technique d'une part et une dimension praxéologique d'autre part. Ce qui induit que sa légitimité est considérée comme essentiellement locale. Dans le second cas, la formalisation possède une fonction de production de concepts. Ces derniers sont mis à l'épreuve par des méthodes normalisées, puis validés par un groupe d'individus qui se reconnaissent mutuellement la capacité et le pouvoir d'évaluer.

1- La pratique en tant que savoir.
Lorsqu'on étudie l'évolution pédagogique des enseignements techniques (Pelpel & Troger 1993) on constate une rupture dans les années 1960 entre d'une part une conception mimétique de l'enseignement (qui est associée à l'apprentissage dans le milieu professionnel) et une conception raisonnée de l'acquisition des habiletés qui se déploie dans les centres d'apprentissage et les collèges techniques. Cette dernière s'abreuve à trois sources distinctes, d'abord celle de l'éducation nouvelle (Freinet, Decroly etc...) parce qu'elle fait appel aux activités concrètes comme mode d'accès au savoir, ensuite aux méthodes de l'Organisation Scientifique du Travail en ce qu'elles permettent une analyse et une reconstruction des actions menées (de Montmollin 1974), enfin au modèle de l'épistémologie génétique (Piaget 1974) qui légitime et structure de façon cohérente. A partir de ces trois sources, les pionniers (Campa, Ducel, Canonge, Géminard pour ne citer que les plus connus) vont produire un modèle d'enseignement original : la pédagogie de l'enseignement technique (Postic 1971). Ce modèle produit un déséquilibre entre la dimension abstraite (théorique) et la dimension concrète (pratique) par une sur-valorisation de l'aspect prescrit du travail au détriment de l'aspect de travail réel (Crozier & Friedberg 1977). Les activités de l'élève et du professeur se focalisent sur l'organisation rationnelle des processus en amont de la pratique et sur l'analyse des écarts entre la procédure appliquée (gammes d'usinage par exemple) et les résultats obtenus.
Nous sommes au cœur d'une démarche de rationalité technique, dans laquelle la pratique est identifiée à de la science appliquée. Elle est assimilée à un processus de résolution de problèmes où il s'agit d'adapter les moyens aux fins visées (Schön 1996). La pratique nécessite la construction d'un savoir sur l'action préalable à l'action. Elle est aussi caractérisée par un type de relation particulière entre le praticien, la matière sur laquelle il agit et l'outil qui lui permet de mener à bien cette action : le savoir-faire, qui diffère du simple geste en ce qu'il est un rapport de savoir du praticien sur le réel.
Appliquée avec succès durant deux décennies dans un contexte où l'objectif de l'enseignement professionnel (et de la formation continue aussi) est de produire de la qualification dans des métiers bien quadrillés (Schwartz 1995, de Terssac 1996) cette démarche atteint ses limites lorsqu'il s'agit de former à des compétences c'est-à-dire à des métiers aux contours et contenus incertains.
Par ailleurs les difficultés auxquelles est confrontée l'institution scolaire française dans les années 1980 pour produire des futurs salariés qui répondent aux besoins de main-d'œuvre des entreprises (Tanguy 1986), vont conduire à privilégier des formations en situation de travail (stages, alternance, requalification) et rompant avec la logique scolaire considérer la pratique comme un savoir à part entière.
En effet, l'action en situation va désormais être pensée comme un savoir de type particulier (Barbier 1996) qui se manifeste par l'existence de comportements adéquats et proportionnés et surtout par la construction de réseaux intellectualisés : schèmes d'action (Vergnaud 1998), savoir en usage (Malglaive 1991), concepts pragmatiques (Samurçay & Pastré 1995), la pratique devient un savoir en cours d'action.
La fécondité de cette rupture est indiscutable parce qu'elle pose les bases d'une construction des compétences nécessaires dans des situations de travail où la prévision des procédures est délicate. Ce sont des situations qui présentent une interaction très forte entre le praticien et ce sur quoi il travaille (objet ou contexte) car elles n'offrent que peu de prédictibilité des résultats des actions. Elles sont caractérisées à la fois par une dialectique d'ajustement entre fin et moyen (Zapata 1992, 2001), et par la construction du problème par réflexion au cours de l'action (Argyris & Schön 1995). Ces situations dynamiques (Rogalsky & Samurçay 1995) exigent de piloter en « temps réel », chaque intervention modifiant l'état du système. Les situations de classe, l'activité de l'enseignant face à des élèves rentrent parfaitement dans cette catégorie et relèvent donc de ce modèle de la formation professionnelle en entreprise (Zapata 2002).
2- Les modes de production des savoirs pratiques dans la formation des enseignants.
En 1989 le rapport Bancel décrivait le métier d'enseignant sous une forme proche des référentiels de l'enseignement professionnel. Il repérait sept compétences spécifiques, - et donc implicitement renvoyait à des situations d'activité professionnelle - et trois champs de mobilisation de connaissances qui structurent ces compétences : celui de l'identité disciplinaire, celui de la gestion des apprentissages et enfin celui de la structure du système éducatif. Or ce qui est intéressant c'est le parti pris notamment en ce qui concerne l'identité disciplinaire (mais on le retrouve aussi dans les deux autres champs) de ne pas "attendre" qu'une imprégnation produise l'effet escompté mais au contraire de s'appuyer sur une "mise à jour" consciente et volontaire des dimensions "transparentes" des activités professionnelles. Cette option a une incidence sur le type de praticien qui est visé. On vise surtout à développer la capacité réflexive qui conditionne l'efficience lors des situations professionnelles dynamiques.
L'objectif affiché de la formation des enseignants est de les conduire à devenir des praticiens réflexifs, ce qui explique la place centrale accordée au mémoire professionnel. C'est une démarche similaire que l'on retrouve avec le Mémoire de DESS.
Selon la circulaire parue au B.O. n° 27 du 11/07/91, le mémoire professionnel "s'appuie sur l'analyse des pratiques professionnelles rencontrées en particulier lors du stage en responsabilité et doit permettre de vérifier les capacités du professeur stagiaire à identifier un problème ou une question concernant ces pratiques et à analyser ce problème et proposer des pistes de réflexion ou d'action en se référant aux travaux existants dans ce domaine. Il ne doit ni constituer une simple narration d'un travail personnel sans analyse et réflexion critique, ni être une réflexion théorique ou historique extérieure à l'expérience du professeur stagiaire."
Partant des situations concrètes rencontrées, deux directions sont ouvertes, la première exige du professeur stagiaire une lecture de ces situations sur un plan en rupture avec l'aspect purement évènementiel (à tel moment il s'est passé ceci, puis cela, puis après....) pour aboutir au moins à la construction d'une problématique c'est-à-dire d'une structure débarrassée de ces aspects purement conjoncturels qui lui donne une portée générale (et donc transférable en partie). Nous sommes dans cette première direction dans une logique de formalisation, de conceptualisation au moins partielle. C'est-à-dire de construction d'un savoir sur la situation par la conscientisation (l'accès à la conscience) de ce que cette situation particulière véhicule ou engage comme réseaux de paramètres, d'indicateurs, relations réciproques et d'effets produits. La seconde direction ouverte conduit à une mobilisation des savoirs académiques acquis lors du cursus de formation (université et IUFM, didactique et pédagogique, générale et professionnelle) pour éclairer/résoudre un obstacle lié à la pratique en situation.
Ce qui est visé explicitement est bien la construction raisonnée de savoirs en usage (Malglaive 1991), mais l'évaluation porte sur le déclaratif et sur sa familiarité ou sur sa cohérence par rapport aux règles usuelles, aux savoirs "scientifiques". On n'évalue pas le savoir en usage du professeur stagiaire mais sa capacité à réfléchir et décortiquer sa pratique. L'aboutissement de ce processus est la construction d'un "savoir pour soi", validé et légitimé par le suiveur de mémoire et les membres de la commission de soutenance.
Le savoir de la pratique est ici réduit à un viatique personnel, dont la validité et l'intérêt de diffusion sont masqués par l'absence de commentaire, par la perte irrémédiable de la discussion contradictoire entre le professeur stagiaire et les membres de la commission. Il ne reste plus qu'une trace située, contingente dont l'exploitation devient aléatoire.
Il serait intéressant de savoir combien de mémoires professionnels font l'objet d'un travail de lecture avec des professeurs stagiaires d'autres promotions, en tant que document retraçant l'émergence d'un savoir qui peut se transférer, dont on peut faire sien les résultats.
Par expérience, j'ai constaté que lorsque les professeurs stagiaires demandent à voir des mémoires professionnels, l'objectif est soit d'obtenir un modèle de ce que l'institution attend, soit de chercher un thème de travail et non de découvrir un savoir de la pratique qui puisse être mobilisé.
Une autre modalité de production de savoirs est la Recherche-action. Celle-ci place le praticien en situation de chercheur. Encadré par des chercheurs professionnels, l'objectif est à la fois de produire du savoir et de modifier les pratiques professionnelles. Répondant souvent à un besoin d'amélioration des pratiques ou de résolution de problème, elle construit son objet et ses protocoles de travail par un compagnonnage entre le professionnel de la recherche (qui guide, assiste l'analyse, collabore à la formalisation) et le praticien qui agit en situation, modifie ses actions à la lumière de ce qui est formalisé, construit de nouvelles façons de faire. Il y a construction de deux types de savoir distincts, le premier est une pratique et un savoir de la pratique qu'incorporent les acteurs praticiens. L'autre est un savoir formalisé, conceptualisé qui est diffusé par les professionnels de la recherche. La question principale alors est de savoir de quelle manière s'effectue la diffusion des savoirs de la pratique. Comment ils sont partagés, quelle légitimation ils reçoivent.
Dans les deux cas de figure décrits plus haut, la production de savoir s'inscrit de façon institutionnelle dans des dispositifs reconnus ou prescrit. Mais le praticien dans son activité quotidienne est aussi un producteur de savoirs, qu'il partage avec ses pairs, souvent de façon incidente et informelle. Il construit des savoirs lui permettant de parfaire sa maîtrise des processus en jeu dans les situations professionnelles qu'il assume, il intègre de nouveaux schèmes d'action, il produit de nouveaux concepts pragmatiques, il élabore de nouvelles formalisations opératoires de son action.
Dans sa pratique au quotidien, le praticien confronté à des situations dynamiques met en œuvre une démarche que l'on peut schématiser comme une double boucle produisant à la fois du savoir théorique et du savoir pratique.
3- La production du savoir savant.
Pour Kuhn (1972), l'étude du paradigme réalisée dans le cadre de l'enseignement qu'il reçoit prépare l'étudiant à rentrer dans le cercle d'une communauté scientifique. C'est par le travail d'expérimentation et par la coopération intellectuelle entre pairs (même si dans le laboratoire il y a une hiérarchie entre les enseignants et les étudiants) que se conduit la formation du futur chercheur. Les pratiques de réflexion, la construction d'hypothèses, le cadrage et le contrôle de conformité au cadre théorique qu'exercent les « anciens » vis-à-vis des novices, mais aussi les interactions de tous types qui structurent la vie du laboratoire construisent de façon concrète l'identité du chercheur (Latour et Woolgar, 1996). Cette identité renvoie aussi fortement à la discipline incluant son objet de recherche qu'à son appartenance au groupe menant cette recherche. Bien que diffusables dans l'état, ces savoirs ne sont pas enseignables car ils nécessitent une maturation.
La nature de la maturation est d'ailleurs variable : soit confrontation à des mises à l'épreuve par le réel (sciences de la nature), soit à la mise en question des présupposés ou des développements logiques (sciences humaines), soit aux deux (situation de crise et changement de paradigme). Mais en tout état de cause ce processus est public, c'est-à-dire tourné vers tous les membres de la communauté, il fonctionne par la mise à l'épreuve. Ainsi l'acceptation d'un savoir nouveau dans le corpus déjà existant est le résultat d'une appropriation (au sens fort du terme) de ce savoir par toute la communauté. Nous sommes face à un processus socialisé. Au bout du compte, le résultat est une incorporation de ce savoir nouveau comme un « trésor » partagé par toute la communauté. Ce n'est qu'à l'issue de cette « digestion » que ce savoir est en capacité d'être diffusé à l'extérieur de la communauté des chercheurs pour enrichir la communauté humaine dans son ensemble.
Pour les chercheurs reconnus (novices ou experts) les procédures de contrôle, diffusion puis de partage du savoir produit sont bien repérées. Ces procédures que sont : les mémoires de recherche (maîtrise, DEA...), les thèses, les rapports de recherche d'un côté ; la participation à des colloques et à des congrès, l'insertion d'articles dans des publications scientifiques d'un autre côté, constituent les conditions attendues et incontournables de la mise en œuvre d'une controverse, qui seule garantit la solidité du savoir produit, critère fondamental de sa validation sociale et de son intégration au corpus du champ disciplinaire.
4- Quelle reconnaissance pour les praticiens réflexifs ?
En fait, à la lumière des développements précédents la question réside dans la manière dont peut se socialiser le savoir professionnel. En effet, ici il n'existe nulle instance communautaire de légitimation. Dans les champs professionnels où il y a légitimation elle est issue du groupe extérieur à la communauté des acteurs (ouvriers, employés et techniciens) qu'est le bureau des méthodes. Or celui-ci ne légitime pas le savoir produit par les acteurs, mais produit un savoir procédural (c'est-à-dire partiel et réducteur du savoir professionnel), généré par dérivation et structuration de savoirs scientifiques ou techniques préalables, qui devient opposable à tous, en tant que loi. Bien entendu à ce travail prescrit, l'acteur apportera de son propre chef, et avec la bénédiction fréquente de son encadrement, des modifications afin de l'ajuster au mieux au contexte et aux contraintes de la situation réelle de production (Crozier & Friedberg 1977, Friedberg 1997). L'acteur produira du travail réel au sein du système concret d'action, et cette production de travail réel est portée par des savoirs d'action (savoir-faire et savoirs pratiques), tandis qu'elle génère des savoirs nouveaux, qui restent occultés masquant la nature réelle du savoir en usage.
Ainsi, tandis que la Loi est édictée d'un côté, le manque de structure de socialisation des savoirs produits par les acteurs les rend illégitimes de l'autre côté. Ce qui conduit à pérenniser la dévalorisation des savoirs de la pratique.
Mais ce qui vient d'être dit ne montre qu'un seul aspect du manque de socialisation : un autre aspect réside dans le procès de la formation. Lors de celui-ci, l'appui sur l'expérience des stagiaires, l'explicitation des savoirs dont ils sont porteurs ne peut faire l'économie d'une confrontation de ces savoirs entre eux (ils sont divers, non formalisés de façon codifiée, et donc ils paraissent souvent incommensurables entre eux). Mais la difficulté est, ensuite, de les référencer à des cadres théoriques institués sous la forme disciplinaire.
En tous cas, la disjonction qui existe entre d'une part la reconstruction didactique de situations professionnelles en institution et l'apprentissage « sur le tas » interroge les fonctions et les compétences spécifiques des formateurs de terrain. Elle oblige à penser cette formation non en opposition avec l'enseignement académique, mais en dépassement des limites de ce dernier afin de répondre au défi très particulier que pose l'apprentissage sur le lieu et dans le contexte réel de l'action professionnelle.
Pour des raisons qu'il n'y a pas lieu d'exposer ici, nous voyons actuellement se mettre en place un processus qui déplace les centres de production/légitimation du savoir de la pratique (Recherche action) vers des laboratoires institutionnalisés qui utilisent les situations professionnelles où sont engagés nos collègues enseignants, comme terrain pour tester des hypothèses produites par les théories des sciences de l'éducation et non comme lieu de production de théorie.
Toutes proportions gardées, nous assistons à l'émergence de "bureaux d'études didactico-pédagogiques". Cela conduit à une radicalisation de l'orientation des chercheurs vers une théorisation pure (la recherche fondamentale) leur permettant de construire une identité disciplinaire. Il s'agit alors d'une autre professionnalité, celle du chercheur qui dit ce que doit être la pratique pour satisfaire à la théorie. Mais cet état de fait s'oppose à l'exploration contradictoire de la complexité professionnelle à laquelle fait face l'enseignant.
Dans ce contexte, quelle place reste dévolue aux praticiens réflexifs, et quelle perspective y a-t-il de diffuser et valoriser les savoirs de la pratique?
Antoine ZAPATA antoine.zapata@lorraine.iufm.fr

Bibliographie


ARGYRIS, C., SCHÖN, D., Theory in practice, San Francisco, Jossey-Bass, 1974.
BARBIER, J. M., Savoirs théoriques et savoirs d'action, Paris, PUF coll. Education et formation, 1996.
CROZIER, M., FRIEDBERG, E., L'acteur et le système, Paris, Seuil, col. Points Politique 111, 1977
FRIEDBERG, E. Le pouvoir et la règle, Paris, Seuil, col. Points Essais 341, 1997.
KHUN, T., Structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972
LATOUR, B., WOOLGAR, S., La vie de laboratoire, Paris, Ed. La découverte, 1996.
MALGLAIVE, G., Enseigner à des adultes, Paris, P.U.F., 1991.
MONTMOLLIN, M. de, L'analyse du travail, préalable à la formation, Paris, P.U.F., 1974.
PASTRE, P., « La conceptualisation dans l'action : bilan et nouvelles perspectives », Education permanente, N° 139, 1999, pp. 13-35.
PELPEL, P., TROGER, V., Histoire de l'enseignement technique, Paris, Hachette éducation, 1993.
PIAGET, J., Réussir et comprendre, Paris, P.U.F., 1974.
POSTIC, M., Introduction à la pédagogie des enseignements techniques, Paris, Foucher, 1971.
QUENOT, C., NOSENZO, J., ZAPATA, A., et alii, "Passeport pour une formation qualifiante" in Education Permanente Supplément Education Nationale, Nº 109/110, Mars1992 pp. 281-288.
SAMURçAY, R., PASTRÉ, P., La conceptualisation dans une situation de travail dans la formation des compétences, in Education permanente, N° 123, 1995, pp. 13 à 31.
SAMURçAY, R., ROGALSKI, J., « Formation aux activités de gestion d'environnement dynamiques : concepts et méthodes », in Education permanente, N° 111, 1992.
SCHÖN, D., « A la recherche d'une nouvelle épistémologie de la pratique et de ce que cela implique pour l'éducation des adultes » in BARBIER, J.M., Savoirs théoriques et savoirs d'action, Paris, PUF, 1996, pp. 201-222.
SCHWARTZ, Y., « De la "qualification" à la "compétence" » in Education permanente, N° 123, 1995, pp. 125- 137
TERSSAC, G. de, « Savoirs, compétences et travail » in BARBIER, J.M., Savoirs théoriques et savoirs d'action, Paris, PUF, 1996, pp. 223-247.
TANGUY, L., L'introuvable relation formation emploi, Paris, La documentation française 1986.
VERGNAUD, G., « Au fond de l'action la conceptualisation » in BARBIER, J.M., Savoirs théoriques et savoirs d'action, Paris, PUF, 1996, pp. 275-292.
ZAPATA, A., « La nécessité d'un modèle virtuel dans certaines activités de productions industrielles » communication aux XXIIIº journées internationales de l'enseignement scientifique et technique, Chamonix 2001, in Martinand J.L. et Giordan A., Expériences de la nature et de la technique, pp. 331-336.
ZAPATA, A., (2002) « Les apports de la formation professionnelle en entreprise à l'articulation entre théorie et pratique. », in Rouchier, A., Actes du 4° colloque inter-IUFM, Recherches sur la formation des enseignants et professionnalité, Bordeaux, à paraître.
ZAPATA, A., L'épistémologie des pratiques. Pour l'unité du savoir. Paris, L'Harmattan, 2004.