Atchoum
La remise en chauffage des écoles est une période difficile pour ceux qui ont une légère tendance à l'allergie. Les poussières accumulées au cours des mois précédents en profitent pour se diffuser avec l'élévation de l'air chaud et envahir insidieusement les bronches et bronchioles des personnes présentes. Ce qui ne manque pas, bien entendu, de provoquer force éternuements.
Ce fut mon cas ce matin de début novembre. Je commençai donc une longue litanie d'éternuements et entre deux séries j'entendis ces mots étranges prononcés par un enfant de CP suivi en adaptation : « Atoussier Patrick ! », suivi d'un sourire à éclairer les plus sombres jours de novembre qui s'annonçaient. La goutte au nez je restai perplexe. Je n'osai faire répéter cet enfant si fier d'avoir pris spontanément la parole, je ne pus répéter en écho sa remarque faute d'avoir compris ce qu'elle signifiait.
La crise d'éternuements se calme, nous reprenons le cours de notre activité avec ce groupe d'enfants petits parleurs et petits compreneurs. Tous accusent un fort retard dans ce domaine et souffrent d'un manque lexical patent. En clair, le langage se réduit à sa plus simple expression, il est difficile à ces enfants d'exprimer une émotion et les phrases prononcées ignorent la complexité.
Mais qu'a-t-il donc voulu dire ?! 
La séance continue, je leur tire difficilement les mots de la bouche concernant l'album que je viens de lire. J'entrevoie un peu leur raisonnement et le reformule. Ils tentent aussi bien que possible mais avec beaucoup de mal de répéter les phrases que je formule. A l'évidence le vocabulaire employé ne leur est pas familier. J'essaie de structurer leur pensée et d'y mettre des mots et là, je ne peux plus me retenir : « ATCHOUM » et j'entends encore : « Atoussier Patrick, ma maman a dit que on devait dire atoussier quand on atchoume ».
Ça y est, j'ai compris la signification de ce fier « Atoussier Patrick ». Kyllian (car c'est son prénom) répond à mes éternuements par un « à tes souhaits Patrick » à sa façon. Je le remercie et le félicite de me dire « à tes souhaits Patrick » et lui fait répéter.
Plus tard, diable de poussière, après les éternuements de rigueur, je le regarde, il sourit et s'applique à dire : « A tes souhaits Patrick ». Les jours froids sombres et brumeux de novembre sont pour moi une douce lumière qu'éclaire le sourire de Kyllian fier de rentrer ainsi en connivence avec le maître.
Patrick MARSAN Janvier 2017