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Chronique du BTP (Bâtiment dans lequel on fait des Travaux pas Prioritaires)
Je travaille depuis bientôt 8 ans pour une association dont les bureaux sont installés dans un vieux bâtiment, une "friche industrielle", géré et entretenu par la commune. La structure héberge d'autres associations qui, les unes après les autres, partent sans demander leurs restes. Un jour, il ne restera plus que nous, j'en suis sûr. La sélection naturelle en quelque sorte : ce sont les plus résistants qui survivent.
Mais ça ne manque pas de charme ici, et les gens un temps soient peu branchés qui passent par là trouvent ça trop cool de voir le côté "roots" de mon lieu de travail, le fait qu'il soit situé au dessus de 20 000 m² de caves qui servaient autrefois à la fabrication du mauvais vin pour les ouvriers de la région. Et j'avoue que moi aussi, le jour de mon embauche, j'ai été séduit par la chose, mais j'ai rapidement déchanté à l'approche du premier hiver lorrain. Une isolation quasiment absente, de vieux radiateurs qui font sauter le tableau électrique au moindre coup de froid, l'humidité et les effluves d'eaux usées qui remontent des caves par l'aération des waters dès qu'il pleut... 
Fort heureusement, la ville a réagi pour rendre le lieu plus accueillant pour le public, car elle y a installé sa médiathèque au fond du couloir. Dans l'ordre des travaux qu'elle a engagé : les murs ont été repeints (très bien d'ailleurs, je tiens à le souligner) par une association d'insertion qui fait dans le BTP. Une cloison a été cassée dans l'entrée - c'était un décor constitué de culs de bouteilles d'un goût douteux - pour dégager un espace d'accès à l'accueil. Là encore, du beau boulot. Mais les plombs sautaient toujours... 
Alors au bout d'un an, un électricien des services techniques a fait un état des lieux : installation obsolète, faut tout refaire ! Une entreprise a même été embauchée pour changer un des deux tableaux électriques (ne me demandez pas pourquoi il y en a deux). Du coup, ça saute toujours, mais moins souvent. Cool ! Alors la ville a décidé de prendre à bras le corps le problème de l'isolation ! Des études ont été faites, avec des chargés d'études en costumes super chers qui faisaient plein de réunions dans nos bureaux (euuh, je travaille où moi ?) avec les chefs des services techniques pour évaluer les besoins en termes de travaux de rénovation... Du lourd, du très très lourd !! Nous avons même été consulté, nous, les usagers de ce bâtiment ! Enfin je crois... Du moins, on nous avait dit que ça se ferait... Bref, je sais plus.
Et après des années de réunions de chantiers, une grande décision a été prise : la vieille porte d'entrée métallique-toute-rouillée-et-qui-laissait-passer-le-froid a été remplacée par... un SAS ! Et c'était aussi l'occasion de dégager ce gros tonneau ovale de 2 mètres 52 de haut qui trônait toujours dans l'entrée et qui prenait plein de place.
Les travaux commencent, supervisés par le chef des services techniques. Une dalle est coulée pour élargir la plate-forme pour pouvoir accueillir la bête, obligeant les usagers de l'escalier à faire un S de 16 mètres de long pour pouvoir entrer dans le bâtiment au lieu du L de 8 mètres d'avant. S'ajoute à cela les 4 secondes perdues à attendre que les 2 portes automatiques s'ouvrent. Mais bon, on aura un beau SAS. 
La pose de la bête peut enfin commencer. Du super double vitrage dernière génération, monté sur une structure alu gris anthracite du plus bel effet. Découpe de l'ancien encadrement métallique à la disqueuse... aïe ! Premier couac. Les projections de métal en fusion ont atteint la vitre, piquant le verre de plein de petites traces noires... Faut changer les vitres du SAS. Ce qui est fait dans la foulée, aux frais de la boîte bien sûr. On a pas retrouvé le gars à la disqueuse...
Voilà, le travail est terminé ! Les services techniques peuvent enfin enlever le gros tonneau de 2 mètres 52. Bon, je vais vous épargner l'anecdote (ce n'est même plus drôle à force) de la porte du SAS qui fait pile 2 mètres 50... Un tonneau, ça se démonte ! (à cette heure il est toujours stocké à 10 mètres de là, en petits bouts, dans une halle avec plein d'autres trucs qui servent à rien. je le vends 50€ sur le bon coin). Donc note pour la prochaine fois : en 1 tu découpes la porte, en 2 tu sors le tonneau, en 3 tu poses le SAS.
C'est pas compliqué, bon sang !
Quelques années plus tard, à l'heure où j'écris ces lignes, un grand chantier de rénovation électrique a été entrepris. Période idéale : entre janvier et mars. Nous sommes le 12 février, Patrick a fini de démonter les dalles du faux plafond pour tirer les câbles et j'ai froid. Je deviens fou : je finis par croire que le réchauffement climatique n'est qu'un complot monté par le lobby écolo-maçonnique du BTP. Et ils me surveillent, moi, car ils savent que j'ai découvert leur plan.

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